Depuis quelques temps maintenant, le qualificatif de “monstre” revient sans cesse notamment en raison de l’exposition grandissante des violences sexistes et sexuelles et de leurs auteurs. Cette association me dérange profondément. Elle fait subsister l’idée que ces personnes font malgré tout figure d’exception : par définition, le monstre fait référence à ce qui est “hors norme”. Or les militant.es apportent chaque jour la preuve que ces crimes sont permis par des oppressions systémiques bien ancrées. L’autre raison, c’est que je suis convaincue de la monstruosité de chacun.e d’entre nous. Sans exception.
Immédiatement, on pense à une créature difficile à décrire, mais ça n’est pas tout. Au-delà de cette notion d’altérité, le mot “monstre” vient du latin monstrare, pour montrer, indiquer, et est rattaché au latin monere, pour avertir – au sens d’un présage, message divin. Ça n’est pas forcément péjoratif : hors normes oui, mais à double sens. Et il est aussi intéressant de questionner celleux qui sont qualifié.es de monstres, que celleux qui les désignent.
Ce qui créé le monstre, c’est avant tout un regard. Un regard sur l’altérité.
Nous sommes des êtres sensibles, aux expériences de vie et ressentis uniques. Nous sommes donc potentiellement toustes le monstre de quelqu’un.e. Et cela car nous sommes aussi nos propres monstres : notre singularité implique les résidus d’expériences heureuses comme douloureuses, les nôtres comme celles de nos lignées respectives.
On dit que les monstres n’existent pas et pourtant le monstrueux est forcément partout car nous sommes toustes singulier.es.
Le monstre, c’est l’étrangeté dans toute sa splendeur. À l’image de la chimère, chacun.e constitue un mixte où cohabitent identités, croyances et paradoxes. Un mixte vivant, en constante métamorphose.
Décider d’embrasser cette singularité organique qui nous caractérise, c’est prendre le pouvoir. C’est questionner la norme. C’est accepter l’altérité chez soi. Et enfin, changer notre regard sur l’autre.
Voilà en quoi le monstrueux doit nous inspirer : je crois qu’il n’y a rien de plus vivant.
Qu’en pensez-vous ?